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Viviane Hamy
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L'art de la joie
Goliarda Sapienza
- Viviane Hamy
- Litterature Etrangere Hamy
- 7 Septembre 2005
- 9782878582154
Un météore éblouissant, le livre d'une vie qui commence ainsi : « Et voyez, me voici à quatre, cinq ans traînant un bout de bois immense dans un terrain boueux. Il n'y a pas d'arbres ni de maisons autour, il n'y a que la sueur due à l'effort de traîner ce corps dur et la brûlure aiguë des paumes blessées par le bois. Je m'enfonce dans la boue jusqu'aux chevilles mais je dois tirer, je ne sais pas pourquoi, mais je dois le faire. Laissons ce premier souvenir tel qu'il est : ça ne me convient pas de faire des suppositions ou d'inventer. Je veux vous dire ce qui a été sans rien altérer.
Donc, je traînais ce bout de bois ; et après l'avoir caché ou abandonné, j'entrai dans le grand trou du mur, que ne fermait qu'un voile noir couvert de mouches. Je me trouve à présent dans l'obscurité de la chambre où l'on dormait, où l'on mangeait pain et olives, pain et oignon. On ne cuisinait que le dimanche. Ma mère, les yeux dilatés par le silence, coud dans un coin. Elle ne parle jamais, ma mère. Ou elle hurle, ou elle se tait. Ses cheveux de lourd voile noir sont couverts de mouches. Ma soeur assise par terre la fixe de deux fentes sombres ensevelies dans la graisse. Toute la vie, du moins ce que dura leur vie, elle la suivit toujours en la fixant de cette façon. Et si ma mère - chose rare - sortait, il fallait l'enfermer dans les cabinets, parce qu'elle refusait de se détacher d'elle. Et dans ces cabinets elle hurlait, elle s'arrachait les cheveux, elle se tapait la tête contre les murs jusqu'à ce qu'elle, ma mère, revienne, la prenne dans ses bras et la caresse sans rien dire.
Pendant des années je l'avais entendue hurler ainsi sans y faire attention, jusqu'au jour où, fatiguée de traîner ce bois, m'étant jetée par terre, je ressentis à l'entendre crier comme une douceur dans tout le corps. Douceur qui bientôt se transforma en frissons de plaisir, si bien que peu à peu, tous les jours je commençai à espérer que ma mère sorte pour pouvoir écouter, l'oreille à la porte des cabinets, et jouir de ces hurlements. Quand ça arrivait, je fermais les yeux et j'imaginais qu'elle se déchirait la chair, qu'elle se blessait. Et ce fut ainsi qu'en suivant mes mains poussées par les hurlements je découvris, en me touchant là d'où sort le pipi, que l'on éprouvait ainsi une jouissance plus grande qu'en mangeant le pain frais, les fruits. Ma mère disait que ma soeur Tina, «la croix que Dieu nous a justement envoyée à cause de la méchanceté de ton père», avait vingt ans ; mais elle était grande comme moi, et si grosse qu'on aurait dit, si on avait pu lui enlever la tête, la malle toujours fermée de mon grand-père : «Un damné, plus encore que son fils.», qui avait été marin. Quel métier c'était que celui de marin, je n'arrivais pas à le comprendre. Tuzzu disait que c'étaient des gens qui vivaient sur les bateaux et allaient sur la mer . mais qu'est-ce que c'était que la mer ? » L'Art de la joie résiste à toute présentation. Roman d'apprentissage, il foisonne d'une multitude de vies. Roman des sens et de la sensualité, il ressuscite les élans politiques qui ont crevé le XXe siècle. Ancré dans une Sicile à la fois sombre et solaire, il se tend vers l'horizon des mers et des grandes villes européennes...
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Le fil d'une vie
Goliarda Sapienza
- Viviane Hamy
- Litterature Etrangere Hamy
- 15 Février 2008
- 9782878582673
«Chaque personne a droit à son propre secret et à sa propre mort. Et comment puis-je vivre ou mourir si je ne rentre pas en possession de ce droit qui est le mien ? C'est pour cela que j'ai écrit, pour vous demander de me rendre ce droit. [...] et si je meurs foudroyée par l'éclair de la joie, si je meurs vidée de mon sang par les blessures ouvertes d'un amour perdu que rien n'aura pu refermer, je vous demande seulement ceci : ne cherchez pas à vous expliquer ma mort, ne la cataloguez pas pour votre tranquillité, mais tout au plus pensez en vous-mêmes : elle est morte parce qu'elle a vécu.» La matière de L'Art de la joie est déjà présente dans ces écrits existentiels ; bien de ses éléments transmués aboutiront à cette autobiographie essentielle qu'est tout véritable roman. Où Goliarda Sapienza va mettre en jeu sa propre vie, comme elle la met en jeu ici, directement, avec une intrépidité, une force, un discernement, d'autant plus émouvants qu'ils naissent de la fragilité que nous lui découvrons.
De quels enchantements, de quel chemin plein d'entraves sont issus sa puissance et son art de la joie ? Lisons, pour le savoir, ce double témoignage qui s'offre comme une archéologie de Modesta.
Le Fil d'une vie rassemble Lettre ouverte et Le Fil de midi, deux récits autobiographiques de Goliarda Sapienza, l'auteur de L'Art de la joie paru en 2005 aux Éditions Viviane Hamy.