Nous n'aimons pas les obstacles. Au mieux, ils nous font perdre du temps?; au pire, la vie. Pourtant, les obstacles qui se trouvent devant nous ne sont pas que des défauts à éliminer - des erreurs ou des malédictions. Ils sont aussi l'une des composantes essentielles de nos mouvements et de notre existence. Dès qu'il est question de rester ou de passer quelque part, de trajet et de migration, de frontière ou de mur, mais aussi de corps à corps, de contact entre les chairs, il y a toujours quelque chose, ou quelqu'un, ou une foule, qui se tient là et qu'on ne peut effacer.
Et si le monde était avant tout la somme de ces obstacles?? Et si, plutôt que de tenter de les contourner, de les surmonter ou de les ignorer, il s'agissait d'apprendre de ces obstacles pour en devenir un soi-même - une résistance opposée à un mouvement d'appropriation ou de destruction?? Et si, en somme, il n'y avait rien de plus politique qu'un obstacle?? Car penser l'obstacle, c'est aussi penser une manière nouvelle de repartir - malgré tout.
Dans ce monde qui semble soumis à une accélération constante, où l'on ne cesse de louer la marche ou la course, nous souhaitons et craignons à la fois que tout ralentisse ou même que tout s'arrête. L'ambivalence de ce désir reste à étudier, comme ce que signifie aujourd'hui le fait de ne pas bouger.
La privation de mouvement est une peine ; le droit pénal, les disciplines scolaires ou militaires immobilisent ; les accidents et les maladies paralysent ; l'accélération technique se paye en inertie dans les embouteillages ou les bureaux. Les éloges de la mobilité comme la critique de l'accélération sont passés à côté de ces situations où l'immobilité s'impose, non sans violence.
Il faut redonner son sens à l'immobilisation. Car cette peine est aussi une étape, une station, impliquant le corps et la pensée. Tenir, debout, assis, dans la position du lotus ou même couché, c'est exercer sur soi une contrainte signifiante. Les « mouvements » d'occupation des places nous le rappellent, l'art également. Savoir faire halte, c'est savoir résister.
De Cahuzac à Carlos Ghosn en passant par Benalla, les scandales suivent le rythme du monde ou participent à son accélération. Ils se diffusent par Internet, entraînant révélations et réactions quasi instantanées. Au point que nous ne faisons plus la différence entre le vrai scandale et la provocation artificielle : nous devenons très vite un peuple d'accusateurs.
Rien ne semble nous arrêter, ni dans la transgression ni dans la défense des règles, qui fragilise plus qu'elle protège. Mais scandaliser ou se scandaliser n'est pas réservé aux extrémistes. Nous sommes tous guettés par un conformisme qui engendre à son tour des scandales financiers, humanitaires, écologiques...
C'est en résistant à cette multiplication de provocations, de scandales et d'affaires que nous pourrons faire apparaître le motif de cet emballement : un désir de justice qui affirme pour tous un droit à l'existence sur une Terre fragilisée. Que des êtres singuliers fassent de ce désir un droit, c'est la condition même de la démocratie.
« La loi est la loi » : cette phrase ne dit rien mais elle fait sens. Elle n'est qu'une phrase, toutefois elle a une force, elle est même l'expression de la force, tout en établissant sans le dire une différence entre la loi juridique et la loi du plus fort. C'est précisément cette différence que l'on attend de la justice, dans les conditions d'exercice du droit et au-delà. Derrida, engagé dès son enfance dans un corps à corps avec la langue et la nationalité françaises, choisit la philosophie pour cette exigence de justesse, et découvre en elle l'exigence sans condition de la justice, différenciant en son nom le droit et la force qui l'institue. Indéconstructible, traçant la limite de ce qui peut se dire, la justice résiste alors aux pouvoirs des langues et des nations, se dissémine dans les lois grecques et juives, naturelles et positives, antiques et révolutionnaires, nationales et internationales. Elle remet en jeu l'histoire de la pensée et de la politique, dissociant toujours le présent de ce qu'il devrait être. La justice ne se présente jamais comme telle. La loi est toujours la loi. Mais il faut traduire, on peut traduire : « la déconstruction est la justice ».
La technique, parce que son progrès est à la fois inéluctable et irréfutable, a imposé un immense travail visant à l'articuler avec les autres sphères de l'activité humaine (la science, l'art, l'éthique, la politique, la pensée). Il nous semble cependant que l'accélération des transports et de l'information échappe encore à cet effort, comme s'il allait de soi que tout allait trop vite, et de plus en plus vite, jusqu'au temps lui-même. En d'autres termes, on ne se concentre pas assez sur les distinctions qu'il faudrait opérer à l'intérieur de cette impression générale de vitesse qui rassemble dans une idée vague le mouvement local, la perception de l'espace et du temps, l'expérience de l'écriture ou de la pensée. Tant qu'il sera question de la vitesse, on restera ainsi aux prises avec un faux concept dont l'unité n'est qu'une ombre projetée par un impensé : celui de la valeur profonde de la lenteur, du repos, des racines et de la Terre. Les textes qui suivent visent à la fois à combattre cet impensé et à insister sur la pluralité des vitesses. Ils cherchent à établir que l'impression de vitesse a toujours occasionné les mêmes peurs, constantes paradoxales de l'accélération due au progrès technique ; dès lors, le plus difficile à maîtriser, ce n'est pas la vitesse des déplacements ou des informations, mais bien plutôt l'illusion que les autres activités se situent dans sa traîne. On défendra l'idée que toute vitesse se mesure sur le fond incommensurable d'une vitesse infinie, qui n'est de l'ordre de l'expérience que si l'expérience elle-même (donc l'impression de vitesse) n'est pas univoque ; l'écart du vécu et de l'invivable n'a ainsi rien d'une explosion en vol, l'ouverture à l'événement enlève à l'accident généralisé sa pesanteur mythique et le contretemps a plus de sens que la fuite.
Comment accueillir ce - ou celui - qui arrive sans inclure l'événement dans une totalité conceptuelle, politique ou esthétique ? Cette question traverse la philosophie française contemporaine.
Dont les réponses multiples impliquent toujours une relecture critique de Hegel. Limitée aux lectures de trois auteurs (Deleuze, Lyotard et Derrida), la présente étude tente de montrer comment s'éprouve la résistance du système hégélien. dans un contexte où ce qui résiste ne peut être simplement nié.
La croyance est-elle une fonction vitale, une cause de maladie, une aide à la guérison ? Rejoint-elle, en profondeur, la foi religieuse, ou plutôt la raison scientifique ou morale ? Est-elle une tendance inconsciente ou un acte volontaire ? A-t-elle un pouvoir politique, fictionnel ou fictif ?
Les auteurs se sont donné une série de questions sur la croyance et ont proposé des réponses argumentées, qui se conforment aux règles de la dissertation.
Destiné aux élèves des classes préparatoires aux Grandes Ecoles et aux étudiants préparant des épreuves de philosophie ou de culture générale, l'ouvrage offre des pistes pour aborder concrètement ce thème très riche, qui s'ancre dans les faits et s'étend jusqu'à l'infini - ou jusqu'à l'invraisemblable.
La passion est-elle déraisonnable, insensée, immorale ? A-t-elle sa propre logique, sa manière ordonnée de se transformer en passions multiples et de semer le désordre ? Désigne-t-elle seule son objet, et qu'en fait-elle ? Comment se communique-t-elle, se partage-t-elle entre différents sujets ? Les auteurs ont dégagé une série de questions sur la passion et ont proposé des réponses argumentées, qui se conforment aux règles de la dissertation.
Destiné aux élèves des classes préparatoires aux Grandes Écoles et aux étudiants préparant des épreuves de philosophie ou de culture générale, l'ouvrage tente de faciliter l'approche de ce phénomène qui lie le moi et l'autre d'une façon spectaculaire et indocile.
Tout ce qui rend quelqu'un vraiment unique, tout ce qui appartient à son être, au-delà de son apparence vestimentaire, physique, constitue son caractère. Le caractère est le sens que l'on donne communément à l'être singulier, et c'est pourquoi on parle tant de lui.
Qu'est-ce alors qu'un caractère impossible, insupportable ? Est-ce un caractère qui se confronte à son existence forcément finie ? Ou encore un caractère sans caractère, sans qualités ? Et quelles traces laisse-t-il ?
Passant en revue les traits de caractères, de la bêtise à la folie et les caractères insupportables, des invivables aux destructeurs, Jérôme Lèbre nous tend un troublant miroir. Car s'il est devenu impossible de décrire les caractères comme le faisaient Aristote ou encore La Bruyère, notre temps ne favorise-t-il pas l'émergence de ces caractères impossibles ?
Deux philosophes s'entretiennent sur la situation et sur la signification de l'art aujourd'hui : ce que son nom veut dire désormais, ce que, bien loin d'être un nom désuet, il nous donne à penser de neuf. La pensée très élaborée de Jean-Luc Nancy sur ce sujet est reprise mais aussi continuée au cours d'une discussion où Jérôme Lèbre s'interroge avec lui sur la meilleure manière de saisir l'engagement du corps sensible dans l'activité artistique et l'approche des oeuvres, la relation de l'art à la technique, à l'histoire, sa modulation en arts traditionnels et nouveaux, sa position actuelle vis-à-vis de la religion, de la politique et de la littérature.
"La philosophie contemporaine et la phénoménologie du corps, en visant à rendre le corps plus multiple, plus habité par l'altérité y compris technique (Derrida, J.-L. Nancy), ont fait évoluer profondément le problème du lien entre âme et corps. Ces perspectives ont introduit dans le débat d'origine cartésienne des variantes liées à l'art, l'écriture et l'environnement. Orient et Occident se retrouvent ainsi confrontés à un corps aux multiples « décors », qui le spécifient, l'entourent, l'enrichissent."