Luba Jurgenson
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Quand nous nous sommes réveillés : nuit du 24 février 2022 : invasion de l'Ukraine
Luba Jurgenson
- Verdier
- La Petite Jaune
- 13 Avril 2023
- 9782378561680
Dans la nuit du 24 février 2022, l'attaque massive de la Russie contre l'Ukraine a réveillé toute l'Europe. Une paix globale et durable sembla soudain n'avoir été qu'un rêve.
Or, en amont de cet événement brutal, de petits indices laissaient présager ce glissement de la société russe vers un nouvel ordre impérial. Et peut-être que le carnaval sanglant qu'est l'« opération spéciale » a été rendu possible par une violence plus ancienne encore, ancrée jusque dans les familles, quotidienne, acceptée.
À travers des images de rêves, fragments de souvenirs, extraits de textes littéraires et réflexions, Luba Jurgenson interroge ces menus détails et dit le choc que l'attaque contre l'Ukraine produit sur le corps de l'Europe et sur une vie qui, comme la sienne, a été marquée par l'exil hors de l'URSS. -
Parce qu'elles marquent encore son rapport aux langues aujourd'hui, Luba Jurgenson fait resurgir ses premières interrogations sur la traduction présentes dès son enfance. Par un mouvement de va-et-vient entre l'âge tendre et l'âge adulte, nous découvrons le cheminement de la traductrice. Convocant ses souvenirs, dans lesquels s'invitent les plus grand·es auteur·ices russes, elle évoque sa confrontation à la complexité inhérente à son métier. Par exemple, la difficulté de distinguer la place du « on » par rapport à celle du « tu » résonne avec Léon Tolstoï décrivant la mort d'Ivan Ilitch... C'est dans la torsion et l'inventivité langagières que la traduction implique que Luba Jurgenson trouve son entre-deux, cet interval entre « moi » et « toi », qui lui assure un équilibre.
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Cette anthologie a pour ambition de mettre en résonance deux types de sources : les témoignages de ceux qui sont passés par le plus grand et le plus durable système concentrationnaire du XXe siècle, et les archives produites au quotidien par la bureaucratie qu'a été le Goulag, Direction Principale des Camps. Ou pour le dire autrement, confronter deux visions - celle du détenu et celle de l'administration concentrationnaire.
La littérature :
Les textes des témoins représentent un des éléments essentiels permettant de comprendre le phénomène concentrationnaire soviétique. C'est en grande partie grâce à la traduction d'oeuvres littéraires, et tout spécialement d'Une journée d'Ivan Denissovitch puis, une dizaine d'années plus tard, de L'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne, que cet univers acquiert une visibilité dans l'espace occidental. Cette littérature de témoignage constitue une trace essentielle des violences aux côtés des lieux, des documents d'archives et d'autres formes de postérité du Goulag (sociales, économiques, etc.). Elle est habitée par un souci mémoriel et/ou commémoratif : construire une trace de l'événement, créer un monument pour les morts. Cette dimension sera notamment explorée à partir des images du corps qui abondent dans les écrits sur les camps : corps souffrant, corps amputé, corps dégradé ; corps individuel, corps collectif. La littérature du Goulag constitue un corpus stratifié qui reflète les différentes étapes des répressions et donc l'évolution de l'institution concentrationnaire elle-même : ainsi les témoignages émergeant au moment de la Perestroïka diffèrent-ils de ceux écrits pendant les années du Dégel, lesquels sont très différents de ceux de l'immédiat après-guerre. Cette littérature documente non seulement la réalité des camps mais aussi la façon dont les identités individuelles et collectives ont pu être façonnées par la violence extrême. Les répressions staliniennes n'ayant fait l'objet d'aucune condamnation dans l'espace judiciaire, et en l'absence de témoignages produits à la barre, les textes littéraires ont constitué pendant une longue période la preuve principale de l'événement et ont porté l'entière responsabilité de cette attestation. En recourant à différentes formes de narration, les écrits des témoins contribuent bel et bien à rendre cette expérience de la violence extrême intelligible, lui donnent valeur de contenu culturel et en font un objet de pensée universel.
Les archives :
Depuis le milieu des années 1990, l'exploitation des archives du Goulag a considérablement enrichi notre connaissance du système concentrationnaire soviétique. Au terme de dix ans de travail mené par une équipe d'une quinzaine d'historiens, dont Nicolas Werth, est parue à Moscou la monumentale Istoria Stalinskogo Gulaga en 7 volumes, qui constitue à ce jour la publication de documents d'archives la plus complète sur cet univers concentrationnaire. Cette somme analyse le système du Goulag dans son ensemble et sous ses différents aspects, à la fois comme un lieu de répression politique et de « refonte » des détenus, comme un système économique de travail forcé, comme une immense administration constituant un véritable « État dans l'État », comme une société avec ses codes, sa sociabilité, ses conflits internes, sa vie quotidienne. Certes, l'immense « littérature bureaucratique » (en 1950, l'appareil central du Goulag reçut pas moins de 133 000 rapports écrits rendant compte de « la situation sur place ») est de qualité très inégale, entre « rapports de parade » adressés régulièrement par les plus hautes autorités du Goulag au ministre de l'Intérieur et documents internes échangés aux échelons plus modestes de l'appareil bureaucratique, généralement beaucoup plus informatifs et directs. Ces textes apportent un regard radicalement différent - et très instructif - sur le système concentrationnaire vu par ceux qui étaient en charge de son fonctionnement quotidien. Ils permettent, pour la première fois, de confronter le vécu du détenu, tel que nous le rapportent les témoignages, et celui du gardien, du chef de camp, du responsable de l'une des innombrables sections et directions culturelles, éducatives, économiques, administratives de cette immense machine bureaucratique qu'était la Direction principale des camps.
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Le semeur d'yeux : sentiers de Varlam Chalamov
Luba Jurgenson
- Verdier
- Litterature Francaise
- 10 Février 2022
- 9782378560720
Ce livre est le fruit d'une longue expérience : celle de la lecture de Varlam Chalamov, écrivain majeur du xxe siècle qui fut aussi témoin d'une de ses réalités les plus sombres : le Goulag.
Témoignage ? oeuvre d'art ? Chalamov semble répondre par une formule fulgurante : « Ce qui devient grand dans l'art c'est ce qui, au fond, pourrait se passer d'art. ».
Saisir un tel acte de création dans son émergence est l'ambition de cet ouvrage qui n'élude pas la dimension subjective des interprétations proposées. Les « clefs » offertes par Chalamov n'ouvrent pas tout, pas tout de suite. Aussi cette lecture suit-elle les sentiers tortueux par lesquels l'oeuvre s'est construite. Elle épouse les détours, les va-et-vient d'une pensée à la chronologie bouleversée, au gré d'une mémoire fragmentée, censurée - celle des camps.
Et avec horreur j'ai compris que j'étais invisible à quiconque qu'il fallait semer des yeux que le semeur d'yeux devait venir !
Vélimir Khlebnikov
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Le bilinguisme attend son chroniqueur, un chroniqueur terre à terre, qui suivra pas à pas les indices corporels du décentrement. C'est la tâche que je me donne ici: traquer les signes physiques, le tracé palpable de cet hébergement réciproque.
Il s'agit donc d'un reportage. Mais la matière que je cherche à décrire est également celle dont je me sers pour la décrire.
C'est comme raconter un incendie avec du feu. Le musicien vous parlera de son instrument, le tailleur, l'ébéniste, le cordonnier, le jardinier, le marin - tous auront des choses à raconter en rapport avec leurs outils et la matière qu'ils travaillent. Pour l'écrivain, l'outil et la matière sont une seule et même chose. La matière de la langue est travaillée avec l'outil de la langue.
L'écrivain façonne lui-même son instrument, chevillé à son corps. En parler, c'est mettre en scène ce corps qui écrit.
Le bilingue écrivant - catégorie à laquelle j'appartiens - utilise des outils à double tranchant. Le but de ce livre, c'est de les voir à l'oeuvre. Il arrive que l'on éprouve le besoin de raconter son métier. Pour moi: l'expérience très concrète d'habiter le langage - d'être habitée par lui - en double.
J'ai dit « outil ». Il s'agit bien sûr d'une illusion d'optique.
On croit « se servir » de la langue comme on croit que le soleil tourne autour de la terre. En réalité, elle se sert de nous pour vivre et évoluer. Nous sommes son instrument et elle nous façonne en se laissant façonner par nous. Nous sommes sa matière qu'elle travaille tout en se laissant travailler.
Dans une vie vouée à questionner le langage, il arrive un moment où il devient urgent de faire place à ce qui constitue le corps du langage: la langue.
Ce livre n'est pas un retour sur soi, mais une coupe transversale qui se dit la plupart du temps en récits, en anecdotes - en situations. Il s'ouvre sur le témoignage d'une expérience singulière, en montagne, qui s'achève sur un constat: « Au lieu du péril, croît aussi ce qui sauve. » Luba jurgenson est écrivain, traductrice et enseignante.
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Samizdat : publications clandestines et autoédition en Europe centrale et orientales, années 1950-1990
Hélène Camarade, Xavier Galmiche, Collectif
- Nouveau Monde
- 24 Mai 2023
- 9782380944112
Tiré d'un acronyme russe signifiant « autoédition », le mot samizdat désigne les textes et publications édités et diffusés clandestinement, en dépit des interdits, des années 1950 à 1990.
Ce livre, le premier du genre en français, est un tour d'horizon de ce qui fut un phénomène de société, en URSS (Russie, Ukraine, Biélorussie, Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie, républiques baltes) et dans les pays du bloc de l'Est (Pologne, Tchécoslovaquie, RDA, Hongrie, Yougoslavie, Bulgarie).
À partir des recherches les plus récentes, une trentaine de spécialistes étudie la chronologie du samizdat, sa matérialité, sa parenté avec d'autres phénomènes de l'édition ou de l'autoédition (tamizdat, magnitizdat, fanzine, etc.).
À travers leurs analyses inédites, le samizdat apparaît comme un medium où émergèrent, entre politique, société et culture, des thématiques emblématiques de leur époque : samizdat religieux, écologique, artistique, subculturel - homosexuel, féministe...
Cet ouvrage, qui comble un vide historiographique, est aussi un rappel de l'impérieuse nécessité de maintenir le livre libre.
Hélène Camarade est professeure en études germaniques à l'Université Bordeaux Montaigne, membre junior de l'Institut universitaire de France et spécialiste des phénomènes de résistance sous le Troisième Reich et en RDA.
Luba Jurgenson est écrivaine, traductrice et professeure de littérature russe à Sorbonne Université, vice-présidente de Mémorial France.
Xavier Galmiche est écrivain et professeur de littérature tchèque et de cultures centre-européennes à Sorbonne Université. -
Création et tyrannie
Luba Jurgenson
- Sulliver
- Archeologie De La Modernite
- 5 Novembre 2009
- 9782351220535
Les systèmes totalitaires ont instauré un rapport spécifique à la création dont la finalité est le plus souvent son utilisation à des fins de propagande.
Etudier les sept décennies de relations entre les écrivains et le pouvoir en URSS permet de cerner un processus culturel polyphonique au cours duquel les modalités de contrôle que l'Etat exerce sur la culture varient, tout comme les réponses des auteurs. La situation de persécution favorise-t-elle la naissance de nouvelles formes narratives, de nouveaux procédés discursifs? Quelles possibilités de résistance esthétique ou stratégies de contournement la langue littéraire offre-t-elle aux auteurs ? Bref, comment l'Histoire travaille-t-elle au coeur de la littérature et comment la littérature travaille-t-elle au coeur de l'Histoire ? Ces interrogations sur la culture des temps sombres sont ici abordées à partir de quelques destins exemplaires - Velemir Khlebnikov, Isaac Babel, Daniil Harms, louri Olecha, Vassili Grossman, Alexandre Soljenitsyne, Varlam Chalamov...
- et du dialogue que les oeuvres entretiennent avec les courants artistiques du passé et contemporains. Elles traversent les différents modèles énonciatifs où les traces de la violence d'Etat - mais aussi des tentatives d'y échapper - se concentrent dans le corps de la littérature.
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Découvrez Trois contes allemands, le livre de Luba Jurgenson. "Eh oui, la langue a le pouvoir de raconter à notre place notre passé, sans nul doute, mais je crains qu'elle n'ait aussi cette emprise sur notre futur, c'est pourquoi il convient de bien choisir la sienne. En vouant mes filles à l'anglais, je partais de l'idée que les derniers cataclysmes vécus dans cette langue remontaient à la peste de Londres. (Ce sont peut-être mes lacunes en histoire qui me font dire cela, mais le fait même que ces lacunes puissent exister prouve que j'ai raison. Qui, de nos jours, en parlant des catastrophes ayant secoué l'Allemagne, penserait en premier lieu à la guerre de Trente ans ?). En leur racontant mon histoire en anglais, je l'arrangeais de façon qu'elle entre dans le nouvel emballage. A présent, l'allemand suintait à travers les syllabes lisses que j'avais forgées..." Voici trois temps forts de l'Histoire qui nous entraînent du fond de la Poméranie de 1913 jusqu'au Berlin de 1933, puis du New York des années 50 au Nuremberg de 1946, en passant par le Saint-Pétersbourg de 1880 et le Moscou des années 90. Trois drames de la judéité qui se jouent sur la scène intime des mots, des noms et des accents refoulés.
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Muséographie des violences en Europe centrale et orientale
Delphine Bechtel
- Kime
- 8 Novembre 2016
- 9782841747672
L'espace muséographique dévolu, en Europe centrale et en ex-URSS, à la mémoire collective des violences de masse - génocides, camps, déportations, famines, persécutions - a connu, depuis la chute du Mur, un remaniement radical. De nouveaux enjeux politiques, sociaux, culturels, scientifiques, l'accès à des documents jusque-là inaccessibles, la circulation des idées et des savoirs à travers des frontières désormais ouvertes ont permis à la fois de créer des façons inédites de documenter le passé traumatique et d'initier une réflexion à l'échelle européenne, voire mondiale sur cette mise en mémoire du passé.
Des musées montrant les violences du régime soviétique ont ainsi vu le jour : musées du Goulag ou musées de l'occupation dans certaines ex-républiques ; les violences subies par les populations sous le nazisme ont reçu un éclairage nouveau. De nombreuses villes à l'Est de l'Europe se sont dotées de musées documentant les séquelles des deux totalitarismes dont elles ont tour à tour été victimes. Enfin, depuis quelques années on assiste à la création de musées virtuels qui ont notamment pour vocation de constituer un fond d'archives orales, support nouveau et bien différent de la photographie, de l'objet et du texte.
L'abondance de traces ainsi constituées pose de nombreuses questions d'ordre méthodologique et éthique quant à la pertinence et la possibilité de la représentation des violences et de la reconstruction du passé. Par ailleurs, la muséification laisse place au non-dit, au vide mémoriel, enfin à la déformation ou la falsification des données historiques. La compréhension de ces espaces totalement nouveaux ou remaniés ne peut se concevoir sans appréhender l'amplitude des enjeux mémoriels et le jeu croisé des expériences antagonistes.
A l'inverse, ces espaces révèlent un pan essentiel de la culture actuelle. Leurs architectures et scénographies, envisagées dans leur intéraction avec le paysage urbain ou naturel, reflètent et modèlent à la fois l'auto-représentation des Européens. Entre l'expérimentation artistique ou technique et la mise en place de discours, représentations, idéologies, le musée est un lieu paradoxal de cristallisations mais aussi de négociations mémorielles.
On remarquera que dans la construction des dispositifs mémoriels et des représentations des violences de masse, les modèles de la mise en mémoire de la Shoah, notamment muséale, depuis 1945 et jusqu'à nos jours, occupent une place importante.
D'autres espaces mémoriels se constituent sur le modèle des musées de guerre tels qu'ils étaient conçus en URSS et en Europe de l'Est d'avant 1989. Enfin certains pays optent pour une approche ethnique plus qu'universelle. Cette circulation de modèles à travers le dialogue ou l'affrontement des mémoires constitue l'un des axes de l'ouvrage.
L'ouvrage collectif Muséographie des violences en Europe centrale et en ex-URSS, consacré à ces problématiques, comprend 4 chapitres et regroupe les contributions de 14 chercheurs, avec une importante composante internationale (Russie, République tchèque, Suède, Pays-Bas, Pologne, Hongrie) dans une perspective pluridisciplinaire.
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Ce livre de texte et de photographies propose des alternances et des lectures dédoublées.
Il est à la fois un exercice littéraire et visuel. à partir d'une expérience de bilinguisme, il offre une leçon d'équivalence, caractéristique de l'activité poétique. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une traduction (ici du français et du russe) mais d'un travail de langue qui opère comme un outil les mille nuances de la matière neige. Ce n'est pas dit de la même façon, de la même manière ni de la même matière en français et en russe. À commencer par qui parle : femme en français, homme en russe.
Par coïncidences successives avec ces bruits de langue, l'oeil est sollicité par d'autres entailles. Les photographies mettent en scène des espaces sans échelle où la matière est montrée au risque de sa disparition dans la page. Matière aux limites du visible, travaillée par le vent qui l'anime de signes étranges et y inscrit de subtiles traces, la neige, dans les empreintes fixes que collecte le photographe.
Les repères habituels dans le paysage hivernal se brouillent ou s'effacent, le temps même qu'un page se tourne, qu'un sommet s'efface. Les métamorphoses les plus ténues forment d'éphémères compositions.
Ici aussi une leçon d'équivalence qui se défie du temps et des échelles est exposée. Les grains d'halogénure d'une pellicule photographique sont des cristaux sensibles et noircis par la lumière. Projetés et agrandis sur le papier positif ces points noirs deviennent des nuages de flocons blancs.
Dans la lignée d'une collection où se jouent de expériences poétiques (plus largement littéraires) et des expériences visuelles (sur tous supports), ce livre explore la question de la fixité des traces et de la prise en compte de leur passage dans la mémoire humaine.
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Ces huit nouvelles ont été écrites en français par une jeune romancière d'origine russe. La surprenante poésie de leur contenu fait penser à la fois à Gogol, à Chagall et à Kafka. On y trouve le mystère, l'état de grâce, l'humour, la perversité tout à fait particuliers à la proche enfance. Mais au travers de ces histoires simples, apparemment limpides et comme tirées d'une succession de rêves, transparaît en filigrane une charge d'angoisse que l'auteur a sûrement vécue en profondeur, ainsi que la malignité d'une intelligence ne pouvant être sauvée qu'à condition d'exercer sans relâche ses dons de lucidité, la souplesse de son inspiration et l'acuité de sa plume. Tantôt Luba Jurgenson nous conte «la triste histoire d'un pharmacien qui avait perdu sa cravate». Tantôt elle nous peint un sordide restaurant russe dont le menu insipide réussit trop bien à faire revivre le passé. Ailleurs un solitaire s'éprend de la musique de son aspirateur, et un autre solitaire est aux prises avec les ébats nocturnes de ses propres souliers. Ou bien encore, plus tragiquement poétique, voici un funambule, à Rome, qui touche à la gloire au moment où il tombe, et meurt.
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L'objectif de cet ouvrage est d'aborder pour la première fois de façon spécifique la question de la postérité du Goulag selon une approche résolument pluridisciplinaire. Moment pourtant complexe et crucial de la société et de l'institution concentrationnaire soviétique, les modalités (économiques, administratives, juridiques) tout autant que les implications (sociales, culturelles, historiques) de cette disparition n'ont jusqu'à présent fait l'objet que de recherches fragmentées dans le champ cependant florissant des études menées sur le Goulag depuis le démantèlement de l'URSS. Or la seule mention des dispositions législatives qui ont encadré à la fin des années cinquante la disparition administrative de l'institution concentrationnaire, ou celle de la fin de la dissidence au milieu des années quatre-vingt, ne permettent pas de restituer l'inscription dans le temps de ce démantèlement, pas plus que ces mentions ne permettent de comprendre la façon dont l'univers concentrationnaire a pu continuer de modeler l'espace, l'imaginaire et les modes de vie des sociétés soviétiques et post-soviétique.
En s'attachant à la mise en évidence de certains aspects clés de cette inscription (telles que la restitution par le témoignage, l'impact des procédures de réhabilitation ou encore l'émergence d'une commémoration muséographique et monumentale du Goulag) cet ouvrage vise précisément à offrir pour la première fois un espace scientifique international de débat a ces questions, et souhaite constituer à ce titre un moment déterminant de la recherche sur le système concentrationnaire soviétique.
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Comme ses camarades, léa constate que son argent de poche fond à toute vitesse.
D'étranges circonstances vont la projeter dans une contrée " idéale " où l'argent n'existe pas. mais un malaise la saisit lorsqu'elle remarque l'absence totale d'horloges et le comportement curieux de sa montre. elle découvre alors qu'au pays de l'argent perdu, le temps a tout simplement disparu : normal, puisque " le temps c'est de l'argent ". ayant échappé à mille dangers, léa se retrouve condamnée par un curieux tribunal...
à moins qu'elle ne réponde à cette question du bourreau : " trouve dix choses qui ne s'achètent ni ne se vendent ". mais le temps presse... a travers ce récit métaphorique où l'absurde côtoie la fantaisie, l'épineuse question de l'argent ne trouvera évidemment pas de réponse simple.
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La guerre, le goulag, le cancer, l'exil : Soljenitsyne semble résumer la tragédie des cinquante dernières années. mais la Russie, broyeuse de destins humains, dévoreuse d'écrivains, a achoppé sur celui-ci, qui a survécu au "grand jeu de cartes" que s'était offert Staline, puis ses successeurs. Il en est sorti écrivain, authentiquement, insolemment russe. Dans la danse macabre qui anime les sous-sols de notre siècle, tout en marron et en gris, l'homme et l'écrivain vont s'enlacer et, selon langle choisi offrent au regard la douceur du voyage ou la terreur du gouffre.
Luba Jurgenson, elle-même russe, romancière, traductrice notamment de Nina Berberova, a perçu la voix même et les silences intérieurs de Soljenitsyne au détour de ses principaux livres et des événements marquants de sa vie.
Cette biographie paraît alors que l'Union soviétique est à la croisée des chemins et que l'on se demande quelle voie choisira Soljenitsyne qui continue d'incarner une certaine idée du destin russe.
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" Il y avait un homme qui chevauchait dans la taïga. On racontait à son sujet toutes sortes de légendes. On disait qu'il était capable de rester plusieurs jours sans manger et qu'il pouvait dormir dans la neige. On racontait que son cheval était magique, qu'il savait se rendre invisible et survoler les obstacles. Parfois, on croyait qu'il avait complètement disparu. Mais il réapparaissait toujours. On disait qu'une étrange musique faisait vibrer la taïga juste avant qu'il ne surgisse. On disait que cet homme avait tout connu, même la mort, mais que son cheval magique l'avait ranimé. On disait qu'il n'avait pas toujours été sauvage, qu'il avait, autrefois, vécu dans une grande ville. On disait qu'il savait parler aux arbres et que les animaux de la taïga lui obéissaient. On disait Voici son histoire. ".
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C'est sous l'angle de l'artiste inséparable du mystique qu'est envisagée la figure de Tolstoï, en révolte contre l'art de la représentation, miroir d'une vie absurde et, par conséquent, dépourvue de sens.
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On ne sait pas comment cela finira
Leonid Guirchovitch
- Verdier
- La Petite Jaune
- 8 Mai 2025
- 9782378562403
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